Walibaba, ou les 900 emplois qui ne verront jamais le jour : Quand le rêve chinois de Liège Airport tourne court

C’est une histoire cousue de soie blanche, ou plutôt d’illusions bien emballées.  L’idylle entre la Région wallonne et Alibaba (via sa filiale logistique Cainiao Belgium) commence en 2018, avec la signature d’un contrat officialisant Liège Airport comme hub européen du géant chinois de l’e-commerce.  Un contrat qui, déjà à l’époque, faisait grincer des dents : bail de 50 ans, aucune sanction en cas de non-respect du nombre d’emplois minimum, et des conditions particulièrement avantageuses pour le groupe chinois.

À l’époque, c’est l’euphorie : promesses d’investissements massifs, d’un flux ininterrompu de colis et surtout… des emplois annoncés à la clé. « Cocorico ! » criaient certains. « Vaste blague ! » répondaient d’autres.

En 2020, un premier permis  est accordé, et dès 2021, le projet W1 est inauguré en grande pompe.
Un entrepôt de 30 000 m², vitrine du savoir-faire logistique d’Alibaba, censé être la première phase d’un plan d’expansion bien plus vaste.

Sur le papier : 900 emplois à venir. Dans la réalité : environ 200 postes créés. Les plus prudents, ceux qui savent lire un plan de secteur et manier une calculette, avaient pourtant prévenu : le miracle de l’emploi ne décollerait pas.

En 2023, un permis est délivré pour un deuxième hall. Mais depuis ? Silence radio. Pas un camion, pas un bulldozer, pas même un ouvrier sur le site.

Pendant ce temps, Liège Airport prépare un tout autre projet : le réaménagement de la dalle nord-est dans le cadre de son Master Plan 2040. Officiellement, rien à voir avec Alibaba. Officieusement, les deux histoires se croisent.

Souvenez-vous : dans le premier Master Plan 2020-2040, la dalle nord était “coupée” en deux, afin de longer les futurs entrepôts Alibaba. Le hall W2 devait bénéficier d’un accès direct aux pistes et d’un parking avion dédié (un privilège rare, crucial pour un e-hub international). Mais dans la version révisée du plan présentée en 2024, cette zone a disparu. Bye bye, le parking d’Alibaba.

Il faut dire que cette extension aurait empiété sur une zone non autorisée par le plan de secteur. Il aura fallu plusieurs années à Liège Airport pour revoir son projet et admettre que le terrain ne permettait pas légalement un tel aménagement.

Octobre 2025 : la fin du conte de fees. Le ministre wallon Pierre-Yves Jeholet l’a confirmé : « Il n’y aura pas de phase 2 ni de phase 3. ». Le soufflé est retombé.
Moins de perspectives que prévu, moins de volumes traités, des douaniers trop zélés peut-être… ou tout simplement un accès piste devenu impossible?

Pendant que la Wallonie comptait les emplois qui ne viendraient jamais, Cainiao Network poursuivait son expansion à l’étranger : plus de 40 entrepôts dans 18 pays, dont plusieurs en Europe : Espagne,  France, Allemagne, Italie, Tchéquie, Pays-Bas, et cerise sur le gateau: En 2025, un nouvel entrepôt a ouvert en Pologne, tourné vers la logistique terrestre européenne.

L’histoire de Walibaba ressemble à bien d’autres partenariats mal ficelés : une promesse d’or, un atterrissage en douceur, puis un silence gêné. Les 900 emplois promis ne verront jamais le jour, et le tarmac de Liège Airport garde, lui, la trace d’un rêve économique… qui n’aura jamais vraiment décollé.

Mais au-delà du symbole, cette histoire révèle une réalité plus inquiétante : ce petit projet de 12 hectares (face aux plus de 300 hectares encore à pourvoir) démontre à quel point la logistique mondiale est délocalisable et l’emploi terriblement volatile. Un mirage économique qu’on continue, pourtant, à vendre comme un avenir radieux et indispensable pour notre région.

 

Une opinion de Luc Joachims

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